Les balades de farfa II

dimanche 25 novembre 2012

OUI, j’aime naviguer de nuit.........


Texte de Jean-François Deniau – V&V Avril 1979

   Deux avions, trois avions, la Chine, l’Inde, voyages, affaires d’état… Et la mer qui attend… Une feuille, quelques lignes, personne ne le voit écrire … Au bout de son stylo, Jean-François Deniau est parti. Ne dérangez pas le ministre du Commerce extérieur. Ce soir là, il est de quart. La nuit s’ouvre pour lui…..

   Toute traversée est une nuit. Partir, quelle que soit l’heure, c’est toujours une sorte de crépuscule. Derrière soi, le quai, la ville, les amis, la chaleur, la lumière. Devant soi, ce qui n’est pas connu. Pour un jour ou un mois, l’imprévisible, l’obscur, autrement dit la nuit. Et arriver, quelle soit l’heure, c’est toujours un peu une aube.

   Toute nuit est une traversée. D’abord l’heure trouble qu’ont ressentie tous ceux qui ont navigué. La nuit n’est pas encore venue mais le soleil est couché. On sent le froid à l’intérieur de soi. Parce qu’il fait moins chaud ? Non, parce qu’il fait plus sombre. C’est le moment du frisson imperceptible, de l’inquiétude vague, de la solitude, elle, plus précise et qui, un instant, pèse sur les épaules. Larguons les amarres du jour. Un léger pincement au cœur, comme quand le quai s’éloigne et que l’amarre tombée à l’eau est remontée à bord. Voici maintenant venir la double traversée, celle de la mer et celle de la nuit. Les êtres de cette terre, les formes familières, les certitudes réconfortantes une à une s’estompent et disparaissent. Voici venir maintenant la double solitude, celle de la nuit et celle de la mer. Seigneur, que j’aime naviguer de nuit. Peu à peu, chacun de nos sens va retrouver une autre habilité, une autre vie. L’œil, perdu d’abord, tâtonne dans le noir et enfin trouve son chemin. Le blanc d’une crête de vague qui déferle lui fait signe. Une étoile qui se balance entre deux haubans l’appelle. La main, aveugle, va aussi trouver sa route. La barre, dans la paume, la soutient. La résistance de la mer, comme la tendance du bateau à lofer, lui sont d’autres mains qui la guident. Et l’oreille ! Son règne commence. S’il fait beau, le bruit de l’eau contre la coque est une soie qu’on déchire. S’il vente, c’est le plain-chant de la mer qui s’élève. Une écoute qui bat, une voile qui faseille, une drisse qui claque. Vent arrière, c’est l’orchestre avec les stridences du vent et la basse continue de la mer qui roule sur elle-même. Vent debout, c’est le vacarme, tout craque et gémit, mais chaque craquement porte un nom. Ceux qui croient que la voile c’est le silence n‘ont jamais navigué à la voile. Comme elle se peuple vite, la mer déserte et la nuit où l’on est seul. La nuit, tout bruit est multiplié, renforcé, répercuté, toute distance agrandie de la dimension du mystère : tout contact devient surprise hostile ou geste amical. La nuit, tout est différent et plus rien n’est indifférent. Etre seul, à la barre, de nuit, ce n’est pas la même chose non plus. Le jour est quand même une sorte de compagnie. Désormais, il n’y a plus que la mer et son cercle autour de vous, plus près, plus serré, plus dur, doublé et renforcé du cercle de la nuit. Mais qu’elle va se peupler vite, la nuit sur la mer …. Passent dans la tête les songes demi-éveillés, des souvenirs, penser à lâcher le cunningham, des visages amis, qu’est-ce qui brinquebale encore en bas …. Pas de vastes pensées philosophiques, non, au risque de décevoir les âmes romantiques. Mais une sorte d’histoire sans queue ni tête, pleine de photos jaunies, de détail de cuisine, de jubilation vague, qu’inquiétudes techniques soudaines et dérisoires, de paix qui ne sait pas qu’elle est la paix. De temps en temps, le cockpit étanche prend la parole. L’eau qui siphonne vous interpelle. « gloup-choub bubletcouck » ou autres phrases qui m’ont toujours paru relever d’une langue ouralo-altaïque assez proche du turc. On lui répond. On se répond aussi, car assez vite on se parle sans plus très savoir si c’est en dedans de soi ou à haute voix. Parfois aussi une autre voix dit votre nom, net, précis. Comme elle se peuple vite, la mer déserte et la nuit où l’on est seul….. Antares peu à peu s’engloutit dans le noir de la mer. Dans le noir de la nuit, la Grue fidèle navigue de conserve à bâbord. Arctucus, pierre brillante jetée de la Grande Ourse, va sombrer à son tour. A l’Est, cette décoloration comme une maladie de peau, c’est l’aube qui gagne. Maintenant, on peut aller dormir. Oui, que j’aime naviguer de nuit.

dimanche 11 novembre 2012

Un Fécamp en Novembre

Un vent proche de l'idéal,
pour un aller retour Fécamp  


   Les prévisions, que cela soit du vent ou de la marée, prévus pour ce weekend des 10 et 11 Novembre étaient quasiment parfaites pour faire un aller retour à Fécamp; y aller et en revenir durant deux journées de navigation.
   Pour le vent nous avions le samedi un Sud Ouest virant Ouest de plus de 10 noeuds et le dimanche un Nord Ouest de même force; parfait que du portant, du largue au grand largue.
   Pour la marée, une basse mer en début d'après midi garantissait pour l'aller, si le départ se faisait en fin de matinée (juste avant la fermeture du sas), un courant neutre car traversier jusqu'au cap de la Hève, et puis légèrement favorable avec le début du flot; pour le retour, un départ à pleine mer en milieu de matinée permettait d'envisager un courant favorable de jusant jusqu'à ce même cap de la Hève suivi d'un courant de flot traversier jusqu'à l'ouverture du sas de Deauville.
   J’espère sincèrement que ces explications techniques seront compréhensibles pour les initiés et pas trop rébarbatives pour les non manchards; bref, les conditions de nav' étaient idéales pour un aller-retour Deauville Fécamp et cela sur deux jours.

   Je me suis retrouvé ce samedi matin pour réalisé ce trip, ce voyage; tout s'est déroulé comme prévu au niveau du vent et du courant; tout sauf la nébulosité; qui de variable est devenu franchement pluvieuse. Mais ces "gouttes de pleurs" comme disait Barbara ne purent m'enlever le plaisir de voir la navigation se déroulait comme prévu, au niveau du vent et des courants; ainsi sont les plaisirs des manchards toujours satisfaits de voir leurs prévisions de nav' être réalisées.
   Rendu à Fécamp, amarré au ponton visiteur, ma déception fut grande sur deux points: d'abord les pontons étaient très sales, avec la couche de "fient" déposée par les oiseaux marins; de plus je ne pus me ravitailler en eau, les robinets ayant été fermés. Stupeur et incrédulité: farfa était en panne d'eau.
   Un bon dîner au restaurant, avec du "poulet" de Fécamp" (filets de harengs) assez bons mais suivi d'une entrecôte qui, elle, n'avait eu le temps de décongeler avant d'être cuite; je retournais au bateau en essayant d'oublier cette incroyable catastrophe : farfa était en panne d'eau.

   Le départ du lendemain fut comme prévu (ah qu'il est doux de naviguer comme prévu !) avec un temps plus ou moins maussade mais le vent souhaité. Et le passage du cap d'Antifer se fit au près / bon plein avec le Noroit que la MTO avait annoncé.



  
          
Nous avancions bien,
dans un soleil presque hivernal



   Près de Deauville, le ciel est devenu nuageux / pluvieux
et j'ai eu droit à cette tentative d'arc en ciel.

   


Ainsi sont les nav' en baie de Seine.