Les balades de farfa II

jeudi 2 août 2007

Aller aux Scillys

Trois "nav de nuit"pour rejoindre les Scillys.

   Souvent, les projets de croisière commencent l’hiver, devant une carte marine; les noms de ports défilent devant vos yeux: et puis, irrésistiblement, votre regard commence à être attiré par un lieu, une pointe, un cap, une île; durant cet hiver 2007, l’archipel des Scillys, ou des Sorlingues comme on dit en français, en haut à gauche de la carte de la Manche agissait ainsi comme un aimant sur mon imaginaire.
   Ce désir s’amplifiait non seulement parce que tout le monde disait que ce lieu était magnifique, mais aussi parce qu’il correspondait pour moi, mon bateau et mon expérience, à une sorte de petit Everest que j'espérais pouvoir conquérir ; l’été 2007 serait donc celui du Round Scillys trip.



   Les premiers renseignements que je glanais sur cette navigation confirmaient le caractère prometteur du lieu, de son calme et de sa beauté, mais ils étaient tous relativement peu optimistes sur la chance de réaliser cette croisière; en effet tous les matelots étaient unanimes pour confirmer qu’aller aux Scillys était difficile voir aléatoire.    Le vent d’ouest, donc de face, est fréquent, décourageant les équipages les plus volontaires; au final, on n’y arrivait qu’une fois sur deux, c'est-à-dire qu’à chaque fois que deux voiliers mettaient le cap l’été sur les Scillys, un seul y arrivait, et l’autre finissait sa croisière en Cornouaille.

   Fin juillet, et après une bonne semaine de vacances récupératrice en Calabre (lucky farfa II), je me suis présenté au ponton de Deauville pour le grand départ; d'autant plus heureux que le hasard a fait que le jour de ce départ, j’ai prit livraison de mon spi asymétrique tout neuf tout beau, aux couleurs de farfa rouge / jaune / bleu ciel avec sa chaussette.


Premier jour



   Départ comme d’habitude pour moi vers l’ouest ; et oui, à partir de Deauville une croisière commence souvent cap à l’ouest. Quelle sera la première étape ? Et cela vers une destination qui, si la finale est espérée, restait à choisir pour ce qui est des escales intermédiaires, celles qui sont définies en temps réel; donc cette s premières escales ? St Vaast la Hougue ou Cherbourg ? Et cette fois ci en évitant le piège des courants de Barfleur dans lequel j’étais tombé l’année dernière; je m’étais juré d’améliorer cette année ma navigation.

   farfa II taillait sa route, et malgré le départ retardé du à la livraison du spinnaker suivi du remplacement de l’anémomètre, tout ce passait bien et je comptais arriver à Cherbourg en milieu de nuit, m’arrêter quelques heures pour attendre la marée, faire un saut vers Aurigny et passer la Manche le lendemain. La mer et la météo sont imprévisibles; et en cette fin d'après midi les petites bruines se sont transformées en une pluie soutenue, intense; comme j’étais au largue, cette pluie avait tendance à entrer dans le carré malgré la capote et j'ai donc fermé le capot.

   Petit à petit, j'ai adopté une tactique qui a consisté à me mettre à l’intérieur, capot fermé, et à guider farfa II avec la télécommande sans fil ; j’étais bien, au sec, et engrangeait les miles.

   Avec le soir qui tombait, un doute a commencé à s’instiller en moins ; comment faire pour arriver de nuit sous la pluie à Cherbourg ; ou plutôt cette atterrissage de nuit sous la pluie allait être vraiment pénible, alors que j’étais si bien au sec, dans mon carré.
   Voyons; avec ce vent de nord-est, il me suffirait de changer légèrement de cap pour me retrouver vers l’Angleterre ! Et quitte à ne pas sortir du bateau autant faire une route directe ! Ainsi fut fait, cap au Nord, vers Weymouth, repas frugale et on continue de skipper farfa II de l’intérieur. 

Deuxième jour


   Durant la nuit, le vent a tourné, car ce dont je suis sur, c’est que lors de mon premier réveil matinal, vers 6 heures du matin, j’approchais des rails et j’étais bâbord amures, au prés, direction au nord; avec cette nouvelle direction du vent l’atterrissage à Weymouth était compromis, car celui-ci me repoussait vers l’est.
   Sur ce changement de la direction du vent durant la nuit, mes souvenirs sont assez flous ; ah si j'avais tenu un meilleur journal de bord en temps réel. En tout cas, la matinée fut sèche, et la pluie s’était arrêtée ; le vent était impeccable et la traversée de la Manche se passait bien ; en début d’après-midi, il devint évident que je ne pourrais pas rejoindre Weymouth qui se trouvait trop face au vent, et qu’il me fallait me laisser porter vers Poole. 

   Le vent devenait de plus en plus fort, les 15 nœuds furent dépassés et le vent adonna ; le capitaine envisagea de repartir au près vers Weymouth avec une arrivée en pleine nuit, mais l’équipage, fatigué, proposa de laisser le cap sur Poole, qui fut atteint en milieu d’après-midi, vers 16h30.
Au loin ce fier destrier avance très bien



Catastrophe, un "truc" a cassé sur le solent

   Juste avant d’arriver, je vit le triste spectacle d’un beau voilier casser, sur un bord de près tribord amures, quelque chose sur son solent, qui s’est affalé en vrac sur le pont.
   
   Quelle marina choisir ? Je pris la première à droite Salterns, et je ne fus pas déçu de mon choix ! Prix délirant 40 £ pour la nuit, et comme voisins de ponton, une belle collection de vedettes à 10 millions d’€ pièce.


Repas au club-house, hamburger de poulet plus deux bières et grand dodo.

 Troisième jour 

   Départ vers les 8 heures le lendemain, avec un temps au début nuageux, mais une promesse de belle météo, ce qui veut dire un vent qui ne serra pas de face, il était prévu Nord, hésitant entre Nordet et Noroît, ne dépassant pas les 10 nœuds, ce jour devait ainsi être aussi celui du 1er envoi de mon nouveau spi asymétrique tout neuf avec sa chaussette.
   La sortie de la baie de Poole commença au moteur, puis le génois fut déroulé pour aider à avancer; de nombreux dériveurs s’entraînait, ayant leurs spi asymétrique au bout de longs bout-dehors, au milieu des très nombreux bateaux sur corps morts, on entendait juste le claquement sec du spi asymétrique qui se regonfle après un empannage.
   Beau spectacle et très habiles barreurs, car je n’ai vu aucune erreur avec choc sur un bateau immobile à son corps mort.
   Une fois sortie de Poole, et en profitant du soleil matinal, je sortis enfin l’objet de mes rêves, je parle du spi asymétrique. Le gréement est au final assez facile, comme espéré : juste une drisse est les deux écoutes. Une fois le spi, ou plutôt la chaussette hissé, le grand moment a été la remontée de la chaussette et l’ouverture du spi, bâbord amures ; tout s’est très bien passé d’autant plus que le vent faible est devenu faiblard, quelques nœuds pas plus.

La première des milliers de tofs de mon spi asy

   Un premier empannage par devant, en faisant passer le spi devant l’étai en drapeau, est effectué avec difficulté le vent ne gonflant plus le spi ; et en avant tribord amures.

La deuxième tof ...
 
   Le premier cap à franchir, entre Poole et Weymouth est le cap Saint Alban, sur la carte il est noté les quelques ondulations en forme de vaguelettes qui préviennent de l’existence d’un raz ; j’avais déjà passé ce cap l’année dernière et un anglais voisin de ponton m’avait informé qu’il existait un passage à terre, franc de toute roche, qui permettait d’éviter ce raz ; cela était confirmé dans la bible des manchards, les instructions nautiques de Tom Cunliffe.
   Confiant dans mon expérience et ces informations, ne voulant pas perdre trop de temps sur le programme de navigation avec ce temps pétoleux, je rentrait le spi dans sa chaussette et mis le moteur en marche pour franchir rapidement ce cap, le courant porteur allant heurter de front des longues vagues atlantiques.
   Cependant, au fur et à mesure que je m’approche de ce cap, je distingue nettement des moutons au large de la pointe, et puis ces moutons se gonflent et de vrais déferlantes apparaissent ; confiant dans la force du moteur, je continue en serrant la pointe au plus près, en gardant toujours 10 mètres d’eau sous la quille; c’est assez étonnant, car à 10 voir 20 mètres de la zone de déferlantes, c’est la calmasse, avec un petit clapot, et puis en 5 secondes, une zone de raz se forme et farfa II se retrouve ballotté de droite et de gauche, l’étrave montant au cieux pour retomber lourdement. Cette lessiveuse n’a pas duré plus de 3 minutes, et m’a permis de prendre quelques belles photos.


   Il n’y a eu aucune casse sur le bateau, par contre, honte à moi, j’avais oublié de fermer les vannes des WC;  oups, et dans les chocs contre les vagues, l’eau de mer est remonté avec suffisamment de force pour franchir les siphons et au moins 10 litres sont entrés dans le bateau, entraînant une petite séance de nettoyage et assèchement des fonds avec une éponge.

   Après Saint Alban, le vent est revenu mais en ouest voir ouest-sud-ouest, le spi asy a été rentré et le génois déroulé, belle ballade au large de la cote, la vitesse n’est pas exceptionnelle, mais la navigation est des plus sereine et très reposante.


   En milieu d’après midi le vent a légèrement tourné, pour passer plutôt ouest-nord-ouest ; virement de bord pour prendre un cap sud-ouest. L’après midi s’écoule, vent agréable, léger clapot, farfa II taille sa route avec une grande régularité, et le skipper autorise de matelot à s’assoupir avec de la musique anglaise y compris les commentaires qui sont dis à une vitesse stupéfiante.




   Je ne me souviens plus bien quel était le plan initial de la journée, mais je suis sur que rapidement la décision fut prise de continuer avec une deuxième navigation de nuit, toutes les conditions étaient réunies: météo mer et vent étaient à l'unisson.
   Le crépuscule est venu, le cap et les réglages sont restés identiques, j’avançais au rythme serein d’un voilier qui taille sa route avec une grande régularité. Après un repas sans doute frugale, ou plutôt un repas fait par un cuisinier dont la compétence est assez limitée, et dont la spécialité se limite à des spaghetti à la « sauce bolognaise toute prête acheté au supermarché » j’ai pu veiller tranquillement, tout en écoutant à la fois la VHF avec les interventions régulières des « Poole Coast Guards » please go to channel 67 et la radio FM avec ces commentaires trop rapides des speakers.


 Quatrième jour

   Le matin m’a pris sur l’autre bord, sur que j’avais du viré de bord lors d’un de mes réveils de la nuit ; farfa II avait doublé le phare et / ou cap de Start point et faisait maintenant route vers Plymouth, ce port qui restera attaché comme lieu de départ des mythiques transatlantiques en solo vers Newport.
   En passant au large de ce cap, je garde le souvenir précis d’avoir vu de très nombreux voiliers, sans doute une régate, qui remontait au prés le long de la cote, alors que je tirais un grand bord bâbord amures vers Plymouth.



   L’arrivée sur ce port mythique est facile, une fois le très grand brise lames paré, après direction le premier bassin à flot, il y a une écluse où je me suis annoncé en utilisant en utilisant sans doute pour la première fois ma nouvelle petite VHF portable.




   Une fois arrivé et amarré, vers 4 ou 5 heures de l’après-midi, direction le premier pub ouvert même en fin d ‘après midi; et à moi un bon hamburger réconfortant, arrosé d’une (voir deux) pint de bières ; ah ! Que la vraie nourriture est bonne après l’exécrable pseudo cuisine de la nuit !! Sitôt rassasié, l’équipage va se reposer, et je reste toujours surpris de mes capacités à m’endormir très tôt, vers 9 heures, voir avant, quand je suis en croisière.

Cinquième jour

   Au matin, après un réveil et un petit déjeuner habituels direction ouest ! Toujours plus à l’ouest ! Profitons de la météo favorable pour gagner le plus de miles vers les Scillys ! 
   Je suis presque sur d’avoir quitté Plymouth avec l’idée d’une troisième navigation de nuit qui pouvait m’amener à St Mary, le mouillage principal des Scillys, conforté dans mon intuition par le vent portant, en effet le vent s‘établissait est à est sud est, une chance inespéré pour aller aux Scillys.
   Sortie de Plymouth au moteur, au vue de la queue à la station service je renonce à compléter mon réservoir de gas-oil ; je sort du port, repasse le fameux brise-lames de Plymouth et cap au sud-ouest.


   J’ai pensé, au départ, pouvoir faire un tour au fameux phare d’Eddystone, au milieu de la baie en face de Plymouth. Mais l’écart par rapport à la route directe se révéla trop grand ! Et je ne pus que faire une bien blafarde photo du phare à plusieurs miles de distance. N’oublions pas le principal, le spi asymétrique était hissé et, pour la première fois, me montrait sa réelle utilité, en permettant à farfa II de voguer à une très bonne vitesse, entre 5,5 et 6 nœuds, sans aucun problème de contrôle de la part de roger, mon fidèle copilote.
   L’après midi s’écoulait tout à fais tranquillement, une bonne allure me permettant de faire une route me permettant de doubler le Cap Lizard largement, à plus de 5 nautiques ; et puis la nuit arriva, et le rythme de vieille spécial farfa II se mit en place, c'est-à-dire réveil toute les heures et à dieu va !!

Coucher du soleil, pas du cap'tain !

   Je garde le souvenir précis d’avoir fait un empannage en milieu de nuit, à un moment on je commençais à titiller le rail descendant de la Manche, empannage avec le spi asymétrique par devant, pas si facile avec ces dizaines de mètres d’écoute ; cette manœuvre m’a remis dans un cap nord-ouest, direction les Scillys avec comme étape intermédiaire le phare de Wolf Rocks entre l’archipel et Lands'end. Enfin, en milieu de nuit j’ai vu et croisé un voilier qui est passé sur mon arrière, repéré grâce à ses feux de navigations.

Sixième jour

   Petite humoristique frayeur rétrospective au petit matin, après mon réveil toutes les heures grâce au minuteur, je vérifie ma position sur le GPS, et la reporte sur la carte et me rend compte que je ne dois pas être loin du phare Wolf Rocks, voir très près de celui-ci ; jetant un coup d’œil dehors, je vérifie que je suis effectivement à 500 mètres de celui-ci. Cela aurait été une sacrée blague à raconter le fait de s’être empalé sur ce phare; le seul rocher émergeant de la mer à 10 nautiques alentour !
  La matinée s’est passé au mieux, le cap était fièrement vers l’objet de mes convoitises, les Scillys maintenant toute proche; j’ai pu voir le bateau feu de Long Ships légèrement au nord, la photo est un peu floue



   Et puis une petite ligne est apparu sur l’horizon, les Scillys, je m’approchais du but ce cette croisière; heureux d’arriver, ravi d’avoir rejoint les Scillys si facilement et bien sur fatigué de ses trois étapes ayant comporté une navigation de nuit pour chacune d’entre elle.


   La première vue que j'ai eu de ces îles correspondait bien à tout ce que j'en avait lu, une ligne de rochers bas sur l'eau émergeant de la mer. J’ai mis le cap vers le passage entre St Mary et St Anne, après avoir bien anticiper l'impact du courant ; farfa II avançait de plus en plus lentement, la brise légère du matin s’essoufflant, j’ai mis le moteur en route, cela permettant aussi de recharger les batteries et de maintenir la bière au frais.
   Toutes les 5 minutes, un hélicoptère traversait la ciel, il était clair que de nombreux vacanciers rejoignaient les Scillys par la voie des airs ; j’ai aussi eu le plaisir de me faire rattraper par le Scillonian, le ferry qui fait la liaison entre Penzance et les Scillys, après avoir répondu aux bonjours des passagers, j’ai prudemment suivi le sillage du ferry qui allait rejoindre le même port que moi et pouvait ainsi me montrer le chemin.


   Et bien ma première impression des Scillys confirmait tout ce que j’avais lu, les Scillys sont un endroit vraiment parsemé de rochers, des rochers partout. Même avec une bonne navigation, et des points GPS régulièrement reportés sur la carte, toutes les 10 voir 5 minutes, il est possible de se retrouver face à un rocher et d‘avoir juste le temps de remonter de la table à carte pour reprendre la barre et modifier la route.
   Je passais par le St Ann Sound pour faire le tour de l’île principale par l’ouest et arriver au port de St Mary. Port ? Il n’y aucun ponton aux Scillys, uniquement des coffres ou des mouillages forains ; je me suis avancé pour trouver un coffre de libre.



Que dire au bout de ces six journées ? Par rapport à ce que j’avais lu et aux conditions météorologiques habituelles en Manche, j’avais été chanceux, voir très chanceux avec beaucoup de vents portants.

J’étais aux Scillys, mon objectif était atteint.

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