Deauville-Guernesey
Donc la première escale pourrait-elle être … Ouistreham ? Trop prêt ! Carentan ? Trop éloigné de la route directe ! Iles St Marcouf ? Pourquoi pas, cela pourrait être un bon plan ! St Vaast la Hougue ? Pourquoi pas ! Direct Cherbourg ? Mais en voila une bonne idée ! La « croisière de l’été dernier » avait déjà démarré par un Deauville-Cherbourg d’une seule traite. Je continue donc ma course vers l'ouest, en attendant de voir venir.
Durant l'après midi, la navigation se passe au mieux avec un léger vent de sud-sud-est entre 5 et 10 nœuds qui m'a permis d'envoyer le spi et d'en profiter. Vers 10 heures du soir, je suis en face de St-Vaast la Hougue mais les écluses du port sont closes ; j’hésite alors entre un mouillage forain près du port, sous l’île de Tatihou et la poursuivre de ma route directement vers Cherbourg ; je retiens cette dernière option; et après avoir affalé le spi, je mets le cap vers le Phare de Gatteville.
La nuit est maintenant là et la pulsation du phare, de mémoire un éclat toutes les 5 secondes, (éclat qui fut pendant longtemps le plus haut et puissant du monde) apparaît et illumine la nuit. Cap est mis sur un « way-point virtuel » au nord de Gatteville ; je règle, comme d’habitude en navigation de nuit, mon téléphone à sonner toutes les heures pour assurer la veille.
Au réveil de minuit, surprise … Je n’ai pas beaucoup progressé … Après vérification sur la carte des courants, je découvre avec horreur mon oubli: le courant du raz de Barfleur du à la marée montante. Et je constate (quand même un peu, beaucoup, honteux de cet oubli ..) qu’entre ma vitesse de 3-4 nœuds et le courant dans le nez de la même vitesse, je ne bougerais pas beaucoup à la voile durant …. les 4 heures suivantes … Mettre le moteur ? Non pas si tôt ! Il me suffit de patienter, tout en continuant à admirer ce superbe spectacle nocturne que constitue le magnifique phare de Gatteville.
Je reste donc une partie de la nuit à faire du sur-place devant Gatteville, me stabilisant dans son Nord, et me réveillant régulièrement pour jeter un coup d’œil et vérifier ma position. Durant cette attente, j’ai pu voir une technique de pêche qui s’appelle (il me semble) la pêche en bœuf : deux chalutiers, dans les 20 mètres chacun, avaient un large filet entre eux et restaient à petite vitesse dans le raz de Barfleur (bon +/- comme moi) en capturant les poissons qui se laissaient porter par le courant. Cela doit être bougrement efficace ! Mais est-ce vraiment autorisé ?
Au petit matin, après un rapide petit-déjeuner, j’ai la satisfaction de voir que, comme prévu, le courant est d’abord devenu nul, puis s'inverse; cela me permets de reprendre ma progression vers l’Ouest ; mais trop lentement, avec un vent faiblard, qui se transforme en pétole… Il sera dit que j’irai, de nouveau à Cherbourg au moteur.
La risée Nanni prend le relais, et aidé par le courant portant, je vois passer le Cap Levi et arrive à Cherbourg vers les 8 heures. Amarrage au ponton visiteur pour un arrêt prévu de 4h30 exactement, car pour le passage suivant (raz Blanchard puis Guernesey) je me suis très bien renseigné, et grâce aux superbes conseils du matelot écumeur, je sais qu’il faut que je sois au fort de l’ouest de Cherbourg à la pleine mer, vers 13 heures ; prudent je prends 30 minutes d’avance et prévoit d’être à ce fort pour 12h30.
Désagréable surprise au ponton visiteur : pour un stop-&-go, il faut dorénavant payer ! Pour moins de 4 heures d’arrêt = 50% du tarif de la journée pleine, et plus de 4 heures = plein tarif. Le gars du zodiac m’annonce cela très froidement, et laisse sa jeune collègue encaisser. Je décide de rester 3 heures 59 minutes et tend ma carte bleue à la jeune fille qui apparaît assez gênée de cette nouvelle règle et me présente quasiment d'informelles excuses. A 11 heures 59, après une petite sieste bien réparatrice c'est le départ; et à nous le raz Blanchard.
N’oublions pas que ce raz va être, pour moi, une première. Suivant les conseils d’écumeur, je passe le fort de l’ouest et commence à longer la cote. Comme prévu, je ne suis pas le seul à partir de Cherbourg vers l’ouest à cette heure, mais nous sommes peu nombreux à avoir choisi l’option “contre-courant” près de la côte. Coup de fil au matelot Philippe Miclot, je suis dans son “jardin”, il me signale une tourelle à ne pas manquer, en face de sa maison familiale. Le vent n’est pas mal au début, mais il faiblit, et Nanni reprend du service.
Avec les bons conseils d’écumeur, je vois lentement les bateaux au large qui sont ralentis par la fin du courant de flot, tandis qu’au raz de la cote, un contre-courant me permet d’avancer tranquillement moitié à la voile, sous spi, et moitié au moteur.
Vers 17 heures, après avoir soigneusement repéré tous les alignements et tourelles entre Cherbourg et Omonville, j’y suis ! En plein milieu du fameux raz Blanchard ! De plus largement en tête de la pseudo-régate faites avec les bateaux partis en même temps que moi de Cherbourg !
Seul un boat hollandais, qui m’avait suivi, reste à ma hauteur. Le tapis roulant commence, avec un courant de 3 à 4 nœuds vers le sud-ouest, direction Guernesey, qui est possible d’atteindre directement, grâce au courant, en une seule marée. Le vent est très moyen en force, mais je suis grand largue sous spi.
farfa dans le Blanchard |
En chemin, une jonque coupe l’avant de ma route, ou plutôt d’un voilier avec un gréement de jonque, avec ses deux voiles en ciseau, il avance plus vite que moi et disparaît lentement vers l’horizon, cap plein ouest.
Le tapis roulant continue, direction le port de St Peter à Guernesey. Cependant, le vent s’étiole lentement, et comme trop souvent, le temps passe et je mets le moteur un peu tard; ce qui fait que j’arrive au crépuscule, après une petite frayeur venant de la confusion entre deux tourelles (la Tautonay et une autre) due à une surestimation du courant traversier; cette erreur est heureusement rectifiée à temps. La navigation, dans ces coins, est à la fois passionnante et complexe.Vers 11 heures du soir je découvre ce port, ou plutôt le système de pontons derrière les jetées permettant aux voiliers de s’amarrer à couple. Le Harbour master me propose une place dans le port intérieur, derrière le seuil ; ayant à la fois sommeil, et n‘ayant pas trop bien, sur le coup, compris ce qu’il voulait, je préfère me mettre à couple d’un 40-45 pied ; l’autre voisin coté bâbord, a ouvert son capot de descente et a juste le temps de m’entendre dire => “au dodo”.
Et j’ai bien dormi, toute la nuit, plus une grand partie de la journée suivante, j’avais, comme on dit « tiré sur le matelot », avec plus ou moins 36 heures de navigation non-stop, entrecoupé de quelques heures de sommeil devant le raz de Barfleur et à Cherbourg. Bon, allez, je ne suis plus un jeune homme….
A St Peter, les bateaux sont au mouillage à couple sur des pontons amarrés sur des corps morts au milieu du port, c’est assez sympa; pour aller à terre il faut prendre son annexe, et un ponton au niveau de la jetée leurs est réservé. Ce n’est pas la dernière que je verrais, aux Anglos, des pontons réservées aux annexes. La mienne sera gonflée à St Peter et restera derrière farfa II, durant toute cette croisière.
Les manœuvres des ferries et des cargos dans le port de St Peter sont impressionnantes, tout cela fait au mètre près, sans remorqueur, avec des propulseurs d’étraves qui bouillonnent; que se passerait-t-il en cas de vent fort ? Mystère !
Souvenirs de St Peter : le “cateole”, catamaran à moteur équipé d’une gigantesque éolienne, avec des pales de 3 mètres; pourquoi ? Juste pour avoir beaucoup d’électricité ? Ou pour faire fonctionner le moteur principal ?
Je découvre les “pound of Guernesey”, l’ île de Guernesey a une monnaie spécifique, identique à la livre anglaise, mais avec quelques différences et le titre de « pound of the state of Guernesey »; au fait, les Anglos ne font pas partie de l’union européenne; elles sont rattachés à la couronne directement, et c'est le royaume uni (United Kingdom) qui fait partie de l'UE.
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