Les balades de farfa II

lundi 6 août 2012

Retour Deuxième Jour


In the Middle of Nowhere


     Cette journée a commencé très tôt (c'est cela le paradoxe des navigations en continu, le changement de journée n'est qu'un point administratif au milieu de la nuit) par une cette vision étrange du "Channel Light Vessel Automatic".
     Imaginez au milieu de la Manche, entre les deux rails où circulent les gros cargos et autres porte-conteneurs, un bateau ancré à vie, n'ayant ni la droit ni la possibilité de se mouvoir; et ce bateau d'environ 20 à 30 mètres porte un Phare de 12 mètres de haut qui délivre son éclat régulier: trois éclats toutes les 15 secondes; voir mon post précédent pour plus de détail.
     Mais au delà de cette vision, la même question me taraudait l'esprit: cette bascule de vent d'ouest, c'était pour quand ?
    A exactement 2 heures 45, le vent s'est progressivement mis à l'ouest en direction et 10-12 noeuds en force, cela m'a (enfin) permis d'éteindre le moteur qui, s'il me permet de garder les bières au frais, me transforme le cerveau en gelée de "je ne sais pas quoi". Cap est mis au 160° pour traverser au plus vite le rail à 4 heures du matin, et puis je suis revenu tribord amures (c'est le moto de cette croisière) cap à l'est.
     Durant le début de la matinée, un bruit étrange a commencé à m'intriguer puis m'agacer; il s'agissait d'un "klong" lourd brutal et très irrégulier, plutôt sur l'avant, plutôt vers le bas du bateau. J'essayais de m'assoupir, l'oublier et il se passait parfois 2 ou 3 minutes sans bruit et puis brutalement un ou deux "klong" retentissaient; une sourde inquiétude commençait même à voir le jour; et si, et si la quille était entrain de se désolidariser du bateau, car ce "klong" était parfois vraiment très fort.
     Reprenant mes esprits et essayant de faire fonctionner mes neurones en trouvant une logique, j'essayais de mettre au point un raisonnement; d'abord un objet fort, lourd; et puis cela cognerait contre la quille, al quille est bien le centre du problème.
     Tout en réfléchissant, je m'étais mis sous la capote, et tout d'un coup, en moins d'un dixième de seconde, une idée, eu départ très saugrenue, s'est fait jour: devant, je ne voyais plus l'ancre qui aurait du être sur le davier de mouillage, et si .. et si l'ancre s'était détache, et si elle avait entraînée de la chaîne, et si c'était cette ancre, dont le poids doit être de six kilos, qui cognait sur la quille .....
     Bingo, je mis ma longe sur la ligne de vie et m'avançait sur la plage avant pour découvrir que l'ancre n'était plus sur le davier, et le bout qui habituellement servait à la retenir avait été râpée, déchiquetée, et la chaîne était molle, ne retenant plus rien. Je repris cette chaîne sur environ cinq mètres et je pu remettre l'ancre dans le davier; de nouveau attachée par le reste du bout.
     Que s'est-il passé ? Et bien l'avant veille au soir, quand le harbour master a remis farfa sur corps mort, il avait remontée ,'ancre et fait une attache sommaire, que je n'ais pas vérifié; le cap'tain doit tout vérifier sur son boat. Durant la nav' de la veille et de la nuit, le bout mal mis à subit les oscillations de l'ancre qui petit à petit l'a réduit en miettes sur 2 à 3 centimètres; cela a libérer l'ancre du davier et irrésistiblement elle a entraînée la chaîne, par des mouvements de balancier du aux vagues; je constaterais plus tard que ces mouvements ont d'abord abîmée le gelcoat de l'étrave; et après un certain temps, l'ancre a cogné sur la quille.  Sherlock Holmes était content, et le matelot n'avait plus ces "klong" horripilants.
    Me dirigeant vers un way point au large de Cherbourg, et après avoir faits de nombreux calculs, je n'étais pas peu fière de ma navigation, en effet j'allais pouvoir bénéficier d'un courant favorable de 2 à 3 noeuds minimum; de plus, il était fort probable qu'il allait me déposer juste après Barfleur, et que le jusant allait me reprendre suffisamment loin pour être plus faible que le flot. Pour la deuxième fois en deux mois, j'allais faire les deux raz dans la foulée, dans la même marée.
     Le repas de midi fut des spaghettis bolognaise, la spécialité du cap'tain, agrémentée de harissa, avec un p'tit drame avant ce splendide repas : ma dernière Guiness fut renversée par un coup de roulis un peu plus violent que les autres; en effet j'étais grand largue, vent de Ouest Sud Ouest de 14-16 noeuds une allure où farfa avance bien et roule de même.
     Nous étions deux voiliers à naviguer sur cette cote ce matin-là, il y avait un First 31.7 arborant un drapeau belge, sous spi, manoeuvré en solo par un pi'tain de mon âge; nous étions sur une route convergente et, comme il était sous spi, je me suis écarté pour le laisser continuer sa route; il partit sur un cap franchement 70° voir 80°, remontant largement au Nord, alors que j'allais cap au 120° voir 130°, vers le chenal des trois pierres, pour couper au raz du cap de Barfleur et gagner la précieuse demi-heure qui me permettrais de m'éloigner de ce cap avant le jusant.
     A 13h30, je passais ce cap juste à temps, et la vidéo suivante est un bon reflet des réflexions et calculs qui sont, au final, la joie des manchards.


     Un vent parfait de Ouest, voir Sud Sud Ouest continuant à me pousser, agrémenté d'un beau soleil, le courant maintenant défavorable n'était pas un problème, et cap au 110° en ligne droite vers mon port d'attache; avec 20 noeuds établis, sous voiles hautes voir 1 riz, farfa avançait magnifiquement, dans le monde nautique on dit: "farfa tartinait", comprenne qui pourra.
     Toute l'après-midi se passa ainsi, entre un vent de 16 à 20 noeuds, et la (les) prises de riz correspondantes, réduction de voilures prise pour permettre à roger de maîtriser farfa.
     Vers 19 heures, et alors que je me préparais un frugal apéritif-grignotage-dîner, je notais sur le journal de bord :"très belle après-midi de nav', ETA une heure du matin".
     Vers 21 heures, alors que Deauville était maintenant en vue, j'ai pu voir deux beaux voiliers, style Imoca 60 pieds, naviguer à contre bord avec leur AIS actif; tout allait très bien, j'étais dans la dernière ligne droite, allez encore un tout petit effort et j'étais arrivé.......................... 


        

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